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  • Décryptages

Comment réussir son rapport RSE ?

  • 08/03/2024
  • 4 min
  • Adeline Anfray, Journaliste
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La CSRD, ou Corporate Sustainability Reporting Directive, remplacera la NFRD à partir de 2024. Plus exigeante et ambitieuse, cette nouvelle directive vient participer à la montée en puissance de la RSE, augmentant le principe de redevabilité́ ainsi que son impact sur les entreprises et la société́. Parfois perçue comme une simple formalité́ dont les sociétés doivent s’acquitter, voire comme une pression technocratique, la CSRD est pourtant un outil d’évaluation, de préparation et de transformation face aux enjeux sociaux, économiques et climatiques.
Et si on en profitait pour créer de nouveaux récits ?

 

Législateurs, investisseurs, fournisseurs, clients… Toutes les parties prenantes attendent les organisations au tournant avec des exigences accrues et des collaborations conditionnées par leurs performances RSE. Au-delà̀ de son potentiel vertueux, de mobilisation et de régulation, et au regard des attentes croissantes envers les marques, la CSRD doit être considérée comme un axe crucial de communication et une prise de parole majeure de l’entreprise. Mais comme toute contrainte, cette nouvelle directive recèle de véritables opportunités. D’ailleurs, même les entreprises non contraintes légalement par la nouvelle directive s’y mettent. Car si l’on s’en empare, la RSE est une formidable occasion pour l’entreprise de se raconter.

 

Créez de nouveaux liens

Selon une chargée de mission RSE d’un grand groupe d’assurances, “on ne peut pas répondre à la complexité́ des enjeux systémiques de la RSE sans réfléchir à leur globalité́, en collaboration transversale”. La clef d’un rapport RSE réussi passe d’abord par une collaboration étroite et une relation de confiance entre les expert·es de l’entreprise, les équipes RSE, et la communication, portées par une direction convaincue… “Nous n’avons jamais eu autant de demandes de preuves de nos actions et engagements”, déclare Barbara Schwartz, Experte RSE Direction Entreprises chez Orange Grand Sud Est.

Quand on sait que des emprunts bancaires ou des partenariats peuvent être conditionnés par les performances RSE d’une organisation, qu’elles ont un fort pouvoir sur l’image d’une marque et qu’elles peuvent avoir un impact sur les habitudes de consommation et donc les résultats d’une entreprise, il est indispensable de réunir ses équipes autour des questions RSE.

Ensemble, elles peuvent définir les axes de recherche et d’analyse prioritaires pour réunir des données pertinentes, savoir les interpréter, et les rendre intelligibles. Ces nouvelles collaborations travaillent à abattre les silos et flouter les frontières d’un immense champ des possibles. Ces nouvelles collaborations seront d’autant plus efficaces si les équipes ont été formées aux métiers impliqués. La RSE peut être perçue comme une contrainte. Une acculturation des expert.es et des communicant.es de l’entreprise à la RSE est donc indispensable à leur compréhension des enjeux du reporting et pour les embarquer dans le processus. De leur côté, les acteur·ices de la RSE et expert·es doivent aussi être formé·es aux problématiques et techniques de communication pour pouvoir identifier les axes prioritaires et restituer des résultats intelligibles.

«La RSE demande à chacun de revoir ses pratiques et d’instaurer de nouveaux modes de collaboration, au sein de l’entreprise comme à l’extérieur, dans une optique de coalition et de co-construction» ré-sume Anna Marion Lashermes, Responsable Stratégie & Communication chez Yves Rocher. Fresque du climat, Fresque de la publicité́, Fresque du marketing et de la communication bas carbone*, mais aussi immersion au sein des équipes, ateliers et formations dédiés sont au- tant de bons outils pour sensibiliser les équipes aux enjeux des différents métiers impliqués.

Emparez-vous du sujet

Les déclarations extrafinancières sont des outils de reporting denses. Leur réalisation de- mande de l’expertise, des ressources, du temps. Elles apportent une connaissance si fine de l’entreprise qu’il serait dommage de ne pas l’exploiter.

Chez Yves Rocher, cela a été le point de départ d’un désir de faire connaître la stratégie RSE de la marque de façon concrète et transparente. Pour la rendre lisible, la marque s’est concentrée sur 10 engagements et ambitions accompagnés de leurs preuves et actions correspondantes. La mobilisation des équipes a donné́ naissance à un livret en ligne, élaboré́ de façon à être compris par le plus grand nombre. “Nous le voulions proche des consommatrices et des consommateurs, avec des outils pour les accompagner dans des changements de leurs habitudes” explique Anna Marion-Lashermes. “On y trouve des conseils pratiques pour adopter de nouveaux gestes plus responsables au quotidien, et limiter sa consommation de plastique dans la salle de bain par exemple”.

C’est la même volonté́ de storytelling qui a amené́ le groupe Orange à ajouter un volet social dédié́ aux questions de diversité́ et de neuro-accessibilité à son rapport. La société́ de télécom- munications a aussi publié́ “IoT for green”, un livre blanc qui décrypte comment les usages et besoins des entreprises sont directement liés aux engagements RSE pris par les dirigeants. Récemment devenue société́ à mission, la marque de vêtements marseillaise Sessùn en a profité́ pour communiquer très largement, via sa newsletter, sur sa raison d’être (“ Rendre le chemin parcouru plus beau encore que la destination ») et sur sa démarche.

Téléchargeable via le site de la marque, le rapport RSE de Sessùn met en valeur le soutien aux filières locales, le recyclage, des pratiques encadrées, le choix des matières et de partenaires français. Le rapport RSE vient incarner la démarche de l’entreprise, ce qui pérennise le modèle et permet des pivots à la fois opérationnels, financiers et juridiques que l’on sait, mais aussi narratifs. Attention toutefois à la liste indigeste de données et aux sommes d’engagements sortis du chapeau, sans preuves et trop difficiles à relier à la personnalité́ de l’entreprise. Ce qui fonctionne dans ces exemples, c’est la capacité de ces entreprises d’utiliser la DPEF (Déclaration de Performance Extra Financière) de façon pertinente pour renouveler leur récit tout en restant fidèles à leurs référentiels et croyances.

Écrivez de nouveaux récits

C’est en cela que la collaboration avec une agence peut être décisive. “Nous étions très bien préparés, et savions précisément ce que nous voulions”, raconte Anna Marion-Lashermes de chez Yves Rocher. “Nous avions identifié́ les thématiques et les preuves de nos engagements, effectué un gros travail de recherche et étions alors très documentés. Marsatwork a été le partenaire idéal pour nous challenger et nous accompagner dans l’élaboration d’une histoire plus incarnée, à travers la marque, ses collaborateurs et partenaires, dans un docu- ment accessible à tous.tes et apprenant.” L’idée est d’éviter la liste d’engagements qui sonnent au hasard, mais plutôt de faire coïncider les forces et faiblesses de la marque pour donner du sens, et raconter un récit qu’elle peut s’approprier. Pour Anna Marion-Lashermes, Yves Rocher a su “oser sortir du cadre, se donner un espace de liberté́ pour créer des nouveaux récits sur la transformation d’entreprise”.

Pour le fabricant de cosmétique végétale, un retour à ses sources bretonnes s’est imposé. Le livret adapté du rapport RSE de l’entreprise revient sur les 9 plantes emblématiques qu’elle utilise historiquement, et qui poussent en Bretagne, dans ses 60 hectares de champs bio cultivés en agroécologie. Un récit ancré dans les valeurs de la marque, pour une meilleure adhésion des collaborateurs.

Et les consommateurs, de plus en plus en demande d’informations complexes et fiables – des données que l’on réservait hier à la communication corporate et/ou BtoB.

Osez la vulnérabilité bien sûr

Ici, pas question d’adopter un discours qui pourrait être transposé à n’importe quel autre acteur. Au mieux, cela n’aurait aucun intérêt. Au pire, la démarche serait contre-productive et pourrait se voir taxée de greenwashing*. La prise de parole doit être transparente. Si les bons points doivent être soulignés, ils ne peuvent se passer de preuves, et les axes d’amélioration ne peuvent être occultés. “Le cadre est tellement règlementé́ qu’il faut pouvoir démontrer chaque allégation environnementale, et les parties prenantes veulent recevoir des éléments fiables. On ne se risquerait pas à embellir la mariée” explique notre chargée de mission RSE d’un grand groupe d’assurances.

Si l’on en croit Barbara Schwartz, Experte RSE Direction Entreprises Orange Grand Sud Est chez Orange, “la vulnérabilité́ peut être une force. Assumer les points à améliorer est d’ail- leurs souvent perçu comme un gage de confiance”. La jeune femme explique que, lors de webinaires sur les mobiles responsables organisés par la marque, elle n’hésite pas à décourager explicitement l’achat de nouveaux appareils et orienter ceux qui en ont besoin vers un achat responsable.

Anna Marion-Lashermes, Responsable Stratégie Marque & Communication chez Yves Rocher conseille de “rester humble et factuel”, et ajoute “qu’on ne peut pas avancer de points faibles sans proposer des pistes d’amélioration pour les adresser”. Selon Dan Geiselhart, fondateur du média Climax, “il faut surtout éviter de mettre en avant des ‘petites actions’ qui pourraient cacher des angles morts plus importants.” D’où l’importance du travail préparatoire avec les équipes d’expert·es RSE et les communicant·es, où chaque enjeu, chaque problématique, chaque preuve sont identifiés. Dan Geiselhart recommande aussi la transparence et salue la démarche de Patagonia qui, comme Barbara Schwartz d’Orange lors des webinaires qu’elle modère, ose conseiller à ses consommateur·ices de ne pas acheter de nouveaux produits.

Les rapports RSE se transformeront-ils bientôt en guide d’anti-achat ? À l’occasion du dernier Black Friday, la campagne de pub du Ministère de la Transition écologique créait la polémique, mettant en scène un « dévendeur » et son client, non sans provoquer la colère de commerçants… et celle du ministre de l’économie Bruno Lemaire rompu à la dialectique du ‘en même temps’. « C’est une campagne maladroite, a-t- il jugé. Je crois profondément à la sobriété́. Je crois à l’incitation, pas à la culpabilisation. » Une position qui pourrait servir de conseil à celles et ceux qui voudraient se lancer dans leur prochain rapport RSE.

Un rapport, mais qui va le lire ?

Rendu communiquant, le rapport RSE de l’entreprise doit servir d’outil de sensibilisation, de compréhension et d’engagement au sein des équipes. Solenniser sa présentation peut donner corps à l’aventure.

C’est dans cette optique que la Direction de la communication financière d’Orange a mis en place un plan média impliquant Christel Heydeman, Directrice générale du groupe, afin d’officialiser les résultats de sa dernière DPEF. Yves Rocher réfléchit également à une stratégie RP et évènementielle pour embarquer le grand public dans sa démarche.

Vert plus d’effort

Valoriser ses actions RSE mérite de faire des efforts… RSE ! Parce qu’il n’est pas question de faire valoir ses engagements écologiques sur un support polluant, imprimé à l’autre bout de la planète et diffusé massivement, l’éco- design et les règles de la communication responsable (voir les recommandations de l’ADEME) s’imposent. De même que le calcul du poids carbone de toute action, nouveau passage obligé du marketing et de la communication. L’anti-greenwashing est affaire de cohérence.

 

*Voir L’Art de l’anti-greenwashing (Marsatwork Editions). Le greenwashing (ou éco-blanchiment) désigne toute forme de communication fallacieuse ou frauduleuse sur les performances écologiques d’un produit, d’un service ou d’une entreprise.

**La Fresque du marketing et de la communication bas carbone® est une offre conçue et proposée en exclusivité́ par Marsatwork. L’agence a également développé́ Fresk’It, workshop participatif qui propose à chaque entreprise de construire sa propre fresque.

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