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  • Décryptages

La guerre de la RSE n’aura pas lieu

  • 08/04/2024
  • 3 min
  • Adeline Anfray, Journaliste
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Résumé

A qui revient la mission de définir la stratégie globale d’une marque ? Et comment en parler ?

Entre devoir de transparence et protection de la réputation, les priorités de « la com » ou de « la RSE », à l’intérieur d’une même entreprise, ne sont pas toujours les mêmes. Frictions, frustrations, luttes de pouvoir… Alors que de vrais antagonismes peuvent nuire au groupe, regard sur des approches et stratégies qui ont fait leurs preuves. Et méritent d’être copiées.

Depuis l’apparition du concept de RSE en 1953 dans The Social Responsabilities of the Businessman, de l’économiste américain Howard Bowen, la notion de responsabilité sociale des entreprises ne cesse de monter en puissance pour s’imposer dans l’entreprise comme un véritable enjeu stratégique. Aujourd’hui, législateurs et parties prenantes ont des exigences accrues quant aux performances RSE des sociétés. Celles-ci peuvent en effet conditionner financements et collaborations, hissant la durabilité à un axe crucial de communication et une prise de parole majeure de l’entreprise. D’autant que la responsabilité sociale et environnementale est devenue une tendance forte sur les plateformes sociales. Dans son rapport décryptant la portée de la RSE, Visibrain comptabilise 1,2 million de publications ayant trait à la RSE en 2022, dont 30% mentionnant des marques. Une augmentation de plus 39% par rapport à 2021 et plus 102% par rapport à 2019. Cela témoigne d’un véritable changement de paradigme dans la communication des entreprises, qui sont passées de «digital-first» à «RSE-first» selon Dan Geiselhart, fondateur du média Climax, mentionné dans le rapport Visibrain. Dans ce contexte, il est même souhaitable d’adapter le récit d’une entreprise aux enjeux d’impact. Les frontières entre les périmètres d’action entre les communications B2B, B2C, corporate et RSE se confondent.

Vers la montée en compétences

Si l’idée de RSE s’inscrit dans un courant de recherche qui remonte aux années 50, son implémentation dans les entreprises est relativement récente. Les directions de communication voient progressivement arriver des expert.es RSE dans leur structure depuis la directive du Conseil de L’Union Européenne de 2014 sur le reporting financier.
Dix ans, c’est peu pour se familiariser avec ces nouveaux profils qui ont parfois des objectifs et des visions opposés à ceux des équipes de communication, ou sont messagers de recommandations perçues comme contraignantes et porteuses d’enjeux qui ne sont pas toujours compris. “Certaines branches de l’entreprise n’ont pas encore compris les enjeux de la RSE”, confie un haut cadre RSE d’un groupe de télécommunication. “Un peu comme les services juridiques, nous sommes souvent vus comme les empêcheurs de tourner en rond, ceux qui vont mettre des freins, par les autres équipes.” À cet a priori peut s’ajouter une peur des équipes communication de perdre une partie de leur champ d’actions. D’autant que les sujets poussés par les expert.es RSE sont nouveaux, complexes, et pas encore maitrisés par les communicant.es, qui sentent parfois la question leur échapper.
On peut déplorer une réduction de scope côté communication, ou y voir l’occasion de monter en compétences. “Les problématiques RSE sont complexes, et l’on doit les comprendre au niveau global, mais aussi particulier” explique Béatrice Lévêque, fondatrice de l’agence RP Look Sharp. En effet, afin de répondre aux différents enjeux de l’entreprise, en accord avec les exigences de la RSE et l’identité́ de la marque, les deux entités doivent pouvoir travailler en transversalité́, sans lutte de territoire. Ce n’est pas une compétence, ou l’autre. Ce sont les deux, sans hiérarchie. Pour que la RSE ne soit plus perçue seulement comme une contrainte mais aussi comme une opportunité pour tous les acteurs de l’entreprise, il est indispensable d’identifier des interlocteurs dans chaque équipe, capables d’évangéliser les collaborateur.ices, avec des connaissances spécifiques à chaque métier. Et même son de cloche chez toutes les entreprises interrogées : il est indispensable que le Comité́ de direction soit pleinement impliqué et fixe les règles du jeu.

Gérer l’image de la RSE ?

Une stratégie de communication durable et cohérente, personnifiée par l’entreprise, et qui embrasse tous les enjeux sociaux et environnementaux, s’écrit à quatre mains. On ne peut se passer de la vision et expertise de la RSE, ni des compétences des communicant·es. “Les entreprises, et notamment les équipes communicantes, sont parfois tentées de n’évoquer que les sujets et initiatives qui les mettent en valeur. C’est normal, elles veillent à leur image de marque”, explique Béatrice Lévêque. “Mais elles doivent penser global, et relier leur prise de parole à toutes leurs problématiques d’impact, pas juste celles où elles sont performantes”. C’est le rôle des équipes RSE. Mais il faut savoir raconter cette vision et la rendre désirable. De la même façon qu’il ne s’agit pas d’une compétence ou de l’autre, il ne s’agit pas d’une compétence puis de l’autre. L’erreur serait de commander un rapport aux équipes RSE, puis de demander à la communication de le diffuser. Toute la stratégie doit être pensée globalement, par tous les acteurs, dès les premiers échanges jusqu’à la restitution. Ils doivent définir ensemble les axes de recherche et d’analyse prioritaires, la stratégie de communication, les formats de prise de parole ainsi que les éléments de langage. On peut même imaginer qu’à terme, une complète reconfiguration de l’organigramme des entreprises va s’imposer, pour une intégration complète de la RSE au board et à la direction de la communication. En tout état de cause, une véritable convergence des objectifs et compétences ne se fera pas sans la formation des équipes à chaque métier et problématique concernés.

Dans un futur pas si lointain, les expert.es RSE seront des communicant.es aguerri.es, capables de diffuser les bons messages, à la bonne cible. Les communicant.es auront une connaissance fine et une vision claire de tous les enjeux relatifs à la responsabilité sociale et environnementale de leur entreprise, pour ne former qu’une seule entité au sein de l’organisation.

Alors, le torchon brûle-t-il entre la com et la RSE ? La tendance est plutôt à l’apprivoisement. Les deux directions étant vouées à collaborer, autant se laisser une chance de maximiser les interactions. Partager un territoire ne rime pas forcément avec cession. Le but de l’entreprise du XXIème n’est-il pas d’élargir le champ des possibles ?

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