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  • Immobilier

L’immobilier à mission, ce grand inconnu de la crise

  • 28/06/2023
  • 3 min
  • Alexandre Contencin, Président-fondateur de Marsatwork et Terre de Données

Résumé

👉 De la crise du logement doit naître de nouvelles idées, de nouvelles manières de faire et, sans doute, de nouveaux instruments juridiques. Inspiré de l’Entreprise à mission, l’immobilier à mission pourrait, demain, engager les parties prenantes tout au long de l’usage des bâtiments, quartiers ou projets. Une tribune initialement parue dans News Tank Cities.

Construire l’après-CNR

Alors que les annonces du gouvernement faisant suite au CNR (Conseil National de la Refondation) sont loin de convaincre le secteur, les chiffres, les analyses et les prises de parole se multiplient pour décrire une crise historique, profonde et protéiforme de l’immobilier. Permis de construire en chute libre, mises en chantier qui suivent la même courbe, inflation faisant flamber les prix ayant pour conséquence une dégringolade de la demande, crise du crédit, acquéreurs toujours plus nombreux à se désister et report de ceux qui n’ont plus les moyens d’acheter sur un marché de la location de plus en plus tendu… Pris entre toutes ces contraintes, les promoteurs se retrouvent devant une injonction contradictoire : produire du logement pour satisfaire des besoins avérés, mais ne plus artificialiser, à l’heure du réchauffement climatique. Et de leur côté, les maires déclarent faire face à des citoyens de plus en plus réfractaires et peinent à faire accepter les projets sur leur territoire.

Quelle raison d’être à l’acte de construire ?

Dans un article des Echos paru début mai 2023, Isabelle Le Callennec, maire LR de Vitré et co-présidente du groupe de travail logement de l’Association des Maires de France (AMF), appelle à « libérer l’acte de construire ». Derrière cette ambition, les promoteurs peuvent-ils se positionner en appui des maires, en les aidant à construire des villes moins artificialisées, plus désirables, et mieux acceptées par les habitants ? Parmi toutes les mesures d’urgence à prendre, il est certain que la plupart d’entre elles doivent toucher aux outils habituels de régulation : prix du foncier, fiscalité, réaménagement des réglementations… Mais un pas de côté est possible, et s’intéresser au cadre statutaire des projets immobiliers permet d’imaginer de nouvelles façons de faire la ville. Généralement absente du dialogue entre promoteurs et municipalités, la notion de Raison d’Être pense, depuis la loi PACTE, l’activité économique des entreprises à travers le prisme de l’utilité sociale et sociétale. Transposée à l’échelle du projet immobilier, la Raison d’Être permet aujourd’hui de définir l’ambition extra-financière d’un programme et de réfléchir à son impact sociétal, environnemental, économique… Trop peu d’acteurs y ont recours, mais ceux qui l’utilisent ne peuvent plus s’en passer. C’est pourquoi je pense que nous pourrions aller plus loin, et demander à ce que le statut d’Entreprise à Mission puisse s’appliquer aux projets immobiliers – statut que la législation, pour l’heure, ne prévoit que pour les Sociétés Commerciales, et non les Sociétés Civiles qui portent habituellement les projets immobiliers.

Changer la loi pour changer de modèle

Le statut d’Entreprise à Mission permettrait de surveiller l’impact de chaque programme dans la durée puisqu’il serait observé par un comité de mission et évalué, chaque année, par un organisme tiers indépendant. Ayant travaillé sur l’adoption de ce statut pour de nombreuses entreprises, j’ai acquis cette conviction profonde : plus le statut d’Entreprise à Mission est appliqué à un niveau local et à une entité spécifique, plus il est efficace, ayant moins de chance de voir sa mission diluée ou dévoyée. À l’échelle d’un projet immobilier, ce statut aurait plusieurs effets positifs. D’une part, en se donnant pour mission de répondre aux besoins réels du territoire (logements, usages, équipements, environnement…), il valoriserait le principe de co-construction et servirait de cadre plus pérenne au dialogue avec les collectivités. D’autre part, en promouvant une démarche plus transparente, ce statut permettrait de renforcer la crédibilité et l’acceptabilité des programmes. Enfin, à l’heure où les banques et les investisseurs privés cherchent de plus en plus souvent à “verdir” leurs portefeuilles, le statut d’Entreprise à mission sécuriserait certains financements et servirait, là encore, d’atout.