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  • Décryptages

Marque employeur : le pouvoir de la Raison d’Être face à la « grande démission »

  • 27/07/2022
  • 2 min
Résumé

👉 Découvrez notre série d’articles consacrés à la Raison d’Être et ses pouvoirs (1/7), et à sa capacité à orienter les organisations vers un meilleur business.

Les talents prennent la fuite. Si ce phénomène n’est pas nouveau, les revendications ne sont plus les mêmes. Jeunes diplômés ou seniors, nouvelles recrues ou managers confirmés, de plus en plus de collaborateurs attendent davantage de leur vie professionnelle qu’un simple statut assorti d’une rémunération. Pour s’impliquer au sein d’une entreprise, leur mission doit faire écho aux différentes crises environnementales qu’ils traversent. Capter des talents signifie pour les sociétés ajuster leur proposition sur le marché de l’emploi, par une remise en cause profonde de leur existence et de la légitimité de leur business. Les entreprises qui y parviennent sont celles qui réfléchissent sur leur raison d’être, point de départ d’un changement authentique et durable, qui fait la différence auprès des candidats. 

96% des collaborateurs en France souhaitent que leur entreprise conduise un programme de développement durable. 96% des collaborateurs en France souhaitent que leur entreprise conduise un programme de développement durable. 96% des collaborateurs en France souhaitent que leur entreprise conduise un programme de développement durable. 96% des collaborateurs en France souhaitent que leur entreprise conduise un programme de développement durable. 96% des collaborateurs en France souhaitent que leur entreprise conduise un programme de développement durable. 96% des collaborateurs en France souhaitent que leur entreprise conduise un programme de développement durable.

La marque employeur est-elle une marque comme les autres ?

 

96% des collaborateurs en France souhaitent que leur entreprise conduise un programme de développement durable, conciliant résultats financiers et questions sociales et environnementales. Par ailleurs, parmi les critères retenus dans le choix d’un futur employeur, l’image et la réputation de celui-ci arrive en 2e position (derrière la sécurité de l’emploi). Une situation assez récente et accélérée par le contexte, puisque avant la crise Covid, cette préoccupation n’occupait que le 9e rang du classement.

 

Ces chiffres, issus de l’étude Global Talent Trends 2022 réalisée par le cabinet de conseil en ressources humaines Mercer, montre l’ampleur prise par la dimension sociale et environnementale dans le processus de recrutement. Cette réalité pousse les entreprises à se remettre en cause, et à réfléchir à leur raison d’être. Ce concept, apparu en 2018, est repris dans la Loi Pacte du 22 mai 2019. Visant à rendre les entreprises françaises plus innovantes et plus compétitives, celle-ci introduit la notion de « société à mission ». Pour le devenir, les entreprises qui le souhaitent rédigent leur raison d’être, prenant en compte les impacts sociaux, sociétaux et environnementaux de leurs activités.

 

Cette raison d’être, inscrite dans les statuts de l’entreprise, influe sur ses performances, son image de marque, ou encore sa marque-employeur, quand ce n’est pas l’inverse. C’est notamment le cas du bailleur social Erilia, qui, partant d’une problématique de construction de sa marque-employeur et d’attraction de talents, en est venu à étendre son travail stratégique jusqu’à formaliser sa raison d’être et devenir une entreprise à mission, ou encore de la SSII Klanik, qui a accentué son travail de construction de sa raison d’être dans l’optique de recruter les talents nécessaires à son développement, sur un marché en pénurie de candidats.

 

AgroParisTech, HEC, Sciences Po, Polytechnique, mêmes combats !

 

Le lien entre raison d’être d’une entreprise et pouvoir d’attractivité des talents est fort. Et si la raison d’être des entreprises devenait le critère de sélection majeur des candidats dans le choix de leur futur employeur ? En mai 2022, huit étudiants de la prestigieuse école d’ingénieurs AgroParisTech défraient la chronique en appelant publiquement, lors de leur remise de diplômes, à déserter les métiers auxquels ils ont été préparés, mettant en cause une « formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours » ainsi que des « jobs destructeurs : les choisir, c’est nuire » selon leurs propos.

 

Un mois plus tard, une étudiante d’HEC partage son « profond malaise en prenant conscience que les métiers vers lesquels menaient [ses] études étaient la principale cause de cet effondrement environnemental » lors de sa remise de diplôme. Puis, quelques semaines après, c’est au tour d’étudiants de Sciences Po et de Polytechnique de prendre la parole, et même siffler TotalEnergies, parrain de la promo 2015 de l’école d’ingénieurs.

 

Ces coups de pied dans la fourmilière sont le signe d’un phénomène profond de volonté de changement, de la part des étudiants, mais aussi de collaborateurs en quête de sens, à la recherche de recruteurs qui placent les causes sociétales et environnementales avant leur propre profit. Ils n’hésitent pas à quitter leurs confortables emplois rémunérateurs au sein de sociétés prestigieuses pour rejoindre des organisations souvent plus modestes, mais aux aspirations plus proches de leurs valeurs. En 2022, deux tiers des salariés se disent motivés et épanouis au travail d’après l’étude de Mercer. C’est 8 points de pourcentage en moins par rapport à 2019, et le niveau le plus bas jamais enregistré par le cabinet en ressources humaines, qui réalise cette étude depuis 7 ans…

 

 

« Être collaborateur de ces grands groupes industriels s’éloigne trop de valeurs personnelles et de convictions fortes »

 

Ainsi, Cloé, diplômée de Centrale Paris a démissionné de son premier poste en tant qu’ingénieure chez Dassault, pour aujourd’hui collaborer comme animatrice freelance et bénévole pour la Fresque du Climat et 2tonnes, associations destinées à sensibiliser le public au réchauffement climatique. De son côté, Naïm, manager chez Airbus Helicopter et titulaire d’un MBA a quitté son emploi pour rejoindre l’association marseillaise Synergie Family en tant que DGA, participant à la création de programmes et d’expériences éducatifs et inclusifs.

 

Dans un cas comme dans l’autre, être collaborateur de ces grands groupes industriels s’éloigne trop de valeurs personnelles et de convictions fortes, qui les poussent à soutenir des causes humaines et écologiques. Cloé ne s’interdit pas de retrouver un poste salarié au sein d’une société. Elle reste en veille sur les offres d’emplois, mais sélective quant aux valeurs des recruteurs : « Le fait que l’entreprise employeur appartient à l’Économie sociale et solidaire, est une entreprise à mission, détient le Label B Corp… Tous ces signaux constituent de bons marqueurs. Toutefois, ces conditions nécessaires ne sont pas suffisantes », estime-t-elle.

 

Derrière les labels et effets d’annonce, encore faut-il que ces entreprises tiennent leurs promesses, et concrétisent les paroles par des actes. Le pire faux-pas pour une entreprise en 2022 serait de faire du greenwashing, ou de mener des actions one shot. Il ne suffit pas d’installer un baby foot en salle de pause et de planter des arbres à chaque séminaire d’entreprise pour se construire une raison d’être. Seul un sérieux travail collaboratif, ambitieux, challengeant, transparent et engageant convaincra les collaborateurs, futurs et actuels.

 

94% des DRH doutent de la capacité de leur entreprise à mettre en œuvre une stratégie de transformation.

 

Interrogées par le cabinet Gartner en 2022, 91% des entreprises affirment être concernées par des problématiques de turnover ces prochains mois. L’étude menée par Mercer fait quant à elle état de 62% des professionnels RH qui prévoient un taux de turnover supérieur à la normale cette année, notamment chez les jeunes travailleurs…

 

Malgré leurs efforts pour tenter de retenir les talents, les entreprises rencontrent des difficultés, notamment les grands groupes en phase de réflexion ou de début de transformation, pour lesquelles la force d’inertie est grande, et pour qui (re)définir les contours d’une mission, réfléchir à sa raison d’être, puis mener des actions concrètes de transformation profonde ne se fait pas du jour au lendemain. D’ailleurs, 94% des DRH doutent de la capacité de leur entreprise à mettre en œuvre une stratégie de transformation, et seules 24% des organisations mènent des actions visant à améliorer le bien-être mental ou émotionnel des collaborateurs.

 

Pourtant, l’authenticité et la capacité d’une entreprise à se transformer sont les conditions essentielles pour se forger une marque-employeur solide, durable, et attractive auprès des candidats. Les entreprises le comprennent, et entament les changements nécessaires.

 

C’est d’ailleurs pour cette raison que vous ne trouverez plus de collaborateurs chez Veolia mais des « ressourceurs », et que la direction des ressources humaines de La Maif a été remplacée par le service des richesses humaines. Au-delà de ces changements sémantiques, les deux entreprises ont opéré, depuis plusieurs années déjà, des virages stratégiques dans leur gestion des talents.

 

« Nous portons notre raison d’être jusqu’aux richesses humaines. Tout comme notre activité dépasse celle d’une simple mission d’assureur, le rôle des collaborateurs dépasse celui de leurs missions quotidiennes », déclare Anissa Deal, responsable du développement des richesses humaines de La Maif qui intègre désormais dans ses missions l’épanouissement de ses collaborateurs, dans lequel Anissa Deal a en charge la sincérité dans les relations, le management par la confiance. Ce positionnement a une incidence directe sur les recrutements, puisque la responsable du développement des richesses humaines précise qu’une enquête interne auprès des candidats montre que 80% d’entre eux postulent à La Maif en raison de sa politique RSE. « Notre raison d’être joue clairement en faveur de nos recrutements, au même titre que notre modèle sociétaire », confirme Anissa Deal.

 

Objectif : faire découvrir l’entreprise et ses ambitions en matière de transition écologique

 

Du côté de Veolia, la multinationale française spécialisée dans la gestion de l’eau, de l’énergie et des déchets a rédigé sa raison d’être en 2018, suite à laquelle ses collaborateurs sont devenus des « ressourceurs » participant à la mission du groupe de « ressourcer le monde ». Dans le cadre de ses recrutements, Veolia drague les étudiants d’écoles du monde entier, en organisant des Summer School. La 13e édition, à l’été 2021, rassemblait 68 étudiants de 33 pays pendant cinq jours. L’objectif : leur faire découvrir l’entreprise, ses ambitions en matière de transition écologique. Pour cela, Veolia a fait intervenir des membres de la direction, mais aussi l’apnéiste double champion du monde Guillaume Néry, pour discuter de l’impact de l’activité humaine sur les océans… Ainsi, en apportant de la prise de hauteur grâce à un discours moins centré sur le business de l’entreprise et davantage tourné vers les grands enjeux socio-environnementaux, le groupe espère attirer ces candidats et les inciter à postuler en tant que « ressourceurs ».

 

La raison d’être ne pallie pas tous les problèmes de recrutement, même si elle assure une préférence à périmètre donné

 

Si les groupes historiques peinent à attirer des candidats et doivent faire leurs preuves en tant qu’employeur soucieux de la planète et du bien-être social, les entreprises fraîchement créées ont quant à elles l’opportunité de montrer d’emblée leur engagement. C’est le cas de La marque en moins, une jeune entreprise de produits d’hygiène et d’entretien, qui s’est forgée sur une valeur principale : la transparence. Pour Maxime Deguine, l’un des deux cofondateurs de La marque en moins, les nouvelles générations ne souhaitent plus postuler auprès des groupes de la grande distribution, et ne jurent que par des entreprises transparentes sur leurs produits et leurs pratiques. En tant qu’entreprise à impact, il observe certaines facilités à recruter par rapport à d’autres acteurs historiques du marché. Mais il ne nie pas pour autant rencontrer des difficultés sur des recrutements de profils techno, comme les développeurs de site web : des métiers pour lesquels il existe une forte pénurie en France. Aussi, la raison d’être ne pallie pas tous les problèmes de recrutement, même si elle assure une préférence à périmètre donné.

 

Autre entreprise ayant fait un lien direct entre sa raison d’être et des facilités de recrutement : les Laboratoires Expanscience, à l’origine de produits thérapeutiques et dermo-cosmétiques, dont ceux de sa marque-phare Mustela. « Depuis que nous sommes labellisés B Corp, en 2018, nous avons noté un regain d’attractivité de la part des candidats, notamment auprès des plus jeunes, plus sensibilisés à la cause environnementale », souligne Alexandre Brosselier, DRH adjoint d’Expanscience pour la France. Par ailleurs, le groupe a lancé en 2021 son programme d’actions pour les 10 années à venir, impACT, co-construit avec les membres du Comité de Direction, le service RSE, le département Open Innovation, bras armé du service RSE, et une quarantaine de collaborateurs et collaboratrices volontaires, répartis dans 11 pays. Un travail ambitieux de 7 mois, lors desquels des votes et des contributions de toute part de l’entreprise ont lieu. Impliquer ses collaborateurs dans la construction de son plan d’avenir est une stratégie payante du point de vue humain : la fierté d’appartenance s’élève à 90% chez les collaborateurs des Laboratoires Expanscience…

 

 

Il ne s’agit pas de mettre à disposition de ses salariés des corbeilles de fruits ou d’aménager un espace détente, mais d’actions plus profondes, impactant leur quotidien de façon durable

 

Ultimement, lorsqu’une entreprise dotée d’une raison d’être parle à des candidats via sa marque-employeur, le discours devient le même, qu’il s’adresse aux actionnaires, aux managers, aux collaborateurs et futurs employés, ou encore aux sociétaires, fournisseurs et partenaires. Se faisant, les entreprises à mission font de leur raison d’être un étendard de leur implication en faveur de l’environnement et du bien-être social, en publiant publiquement leur plan d’actions, avec des impacts et des ambitions chiffrés. Le socle de cet alignement : la transparence, telle qu’elle est pratiquée chez La marque en moins, qui intègre l’onglet « pas parfait » sur son propre site internet, épinglant les efforts que la startup peut encore faire pour s’améliorer. De son côté, Anissa Deal pour La Maif précise : « Notre raison d’être est marquée par ce credo : ‘Seule une attention sincère garantit le mieux commun’. Cette conviction est partagée auprès de toutes les parties prenantes de notre entreprise, collaborateurs et sociétaires inclus. »

 

Mais au-delà des discours, aussi alignés soient-ils, c’est finalement les conditions de travail et de considération des collaborateurs qui vont perpétuer l’attractivité d’une entreprise et l’aider à recruter de nouveaux talents. Là encore, il ne s’agit pas de mettre à disposition de ses salariés des corbeilles de fruits ou d’aménager un espace détente, mais d’actions plus profondes, impactant leur quotidien de façon durable.

 

Ainsi, de plus en plus d’entreprises proposent des aménagements de temps de travail, avec la part belle faite au télétravail notamment depuis le Covid : La Maif compte par exemple 70% de télétravailleurs parmi ses effectifs. Cet aspect du bien-être des collaborateurs passe aussi par la prise en compte de la condition parentale. Autres mesures importantes, celles en faveur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, avec le recrutement parmi les équipes de profils de plus en plus variés.

 

Les perspectives d’évolution et de co-construction de carrière comptent également, notamment pour les Laboratoires Expanscience, qui prévoit dans leur programme ImpAct que d’ici à 2025, chaque salarié(e) dispose d’outils pour concevoir son propre parcours professionnel et aura la possibilité de consacrer une partie de son temps de travail à des projets environnementaux, ou à des activités à but non lucratif. Certaines entreprises prennent d’ailleurs les devants, en offrant à leurs collaborateurs l’opportunité de changer le monde sans changer d’entreprise. La plateforme Vendredi en a d’ailleurs fait sa spécialité, mettant en relation les collaborateurs d’entreprises avec ces temps offerts (à raison d’un vendredi par an, par mois, par semaine…suivant la volonté de l’entreprise) et des associations de mobilisation citoyenne qui ont besoin d’aide et de compétences. Un moyen supplémentaire pour une entreprise de proposer bien d’autres choses que de « simples » contrats de travail et rémunérations !

 

Sources : Top 5 Priorities for HR Leaders in 2022, Gartner ; Global Talent Trends 2022, Mercer